Lettre adressée à Annabelle Blais, journaliste au Journal de Montréal en réaction à l’article « Trouver un emploi à l’ère des robots »
La Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ) a pris connaissance de la chronique « Trouver un emploi à l’ère des robots » publiée dans l’édition du samedi 20 février 2016 du Journal de Montréal. Dans la section « Les métiers en déclin » de l’article, on peut lire :
« Il est déjà possible d’emprunter des livres à la bibliothèque en les scannant soi-même. Pour trouver un ouvrage en particulier, la bibliothécaire vous apprendra plutôt à utiliser les ordinateurs sur place, vous permettant de faire vos propres recherches. Ne reste plus qu’à attendre l’arrivée des robots pour la remise en rayons. Sans oublier le robot qui émettra un convaincant «chut!», lorsque le bruit atteindra un seuil de décibels. Si le personnel des bibliothèques est réduit, on trouvera sans doute toujours des experts dans les bibliothèques. Le métier évoluera sans doute pour se concentrer davantage sur celui d’animateur ou de conseiller ».
Au nom des membres de la CBPQ, je m’oppose vivement aux propos réducteurs tenus dans votre article au sujet des bibliothécaires et professionnels de l’information. En effet, il semble que vous ne vous soyez nullement renseignée sur les compétences et aptitudes exigées pour répondre aux impératifs de notre profession. De plus, vous semblez confondre quelques-unes des différentes professions et métiers liés au domaine de la bibliothéconomie soit bibliothécaire, technicien en documentation et préposé notamment quand vous parlez de la remise des livres en rayon.
Par la présente, je saisis donc l’occasion de vous renseigner sur la profession que la CBPQ représente fièrement depuis 1969. Premièrement, pour remplir les fonctions d’un bibliothécaire, il faut d’abord détenir un diplôme d’études supérieures, plus spécifiquement une Maîtrise en bibliothéconomie et/ou en sciences de l’information. Cette formation de deuxième cycle permet aux futurs diplômés d’évoluer selon différents parcours : bibliothèques publiques, scolaires, universitaires et spécialisées, gestion d’un service de documentation et gestion stratégique de l’information, pour ne nommer que ceux-là.
Il est vrai qu’à l’ère du numérique, le rôle des bibliothécaires est en pleine mutation et que les bibliothèques telles qu’on les connaît sont à une époque charnière de leur existence. Le bibliothécaire organise, recherche et diffuse l’information. Bien sûr, emprunter des livres à la bibliothèque « en les scannant soi-même » est maintenant possible dans plusieurs bibliothèques. Toutefois, le processus d’intégration des bornes de retour libre-service est conçu, implanté, supporté et maintenu par… des bibliothécaires spécialistes de ces nouvelles technologies.
Lorsque vous dites que le bibliothécaire vous apprendra plutôt à utiliser les ordinateurs sur place, vous permettant de faire vos propres recherches, vous avez tout à fait raison, mais en partie seulement. Les livres mis en rayons ne s’y retrouvent pas tout seuls. Ils sont d’abord organisés selon un système de classification et repérables à partir de bases de données gérées par des professionnels de l’information. Les bibliothécaires vous aideront également à comprendre ces bases de données pour vous permettre de repérer rapidement des ouvrages ou collections répondant à vos besoins précis d’information. C’’est pourquoi les bibliothécaires se positionnent maintenant davantage comme des formateurs à ce qu’on appelle les compétences informationnelles. Certains sont même experts dans cette sous-discipline. Et comme l’avance le gouvernement canadien sur cette page de son site web :
« Dans notre société de plus en plus axée sur le savoir, l’information provient de nombreuses sources et peut être présentée de manière simple ou complexe. L’aptitude à comprendre et à utiliser l’information, appelée littératie, est une compétence essentielle pour participer pleinement au marché du travail et dans la vie de tous les jours […] La littératie des adultes se mesure sur une échelle de 1 à 5, le niveau 1 étant le plus faible et le niveau 4/5, le plus élevé. Pour pouvoir bien fonctionner dans la société canadienne, une personne devrait avoir au moins un niveau de littératie de 3. […] En 2012, environ 51,5 % des Canadiens âgés de 16 à 65 ans atteignaient un niveau de littératie de 3 ou plus. »
En regard de ces données plus que préoccupantes, nous pensons que l’apport des bibliothécaires est plus que pertinent et justifié.
Quant au cliché que vous évoquez au sujet d’un « robot qui émettra un convaincant «chut!», lorsque le bruit atteindra un seuil de décibels », permettez-moi de vous introduire au concept de bibliothèque participative développé depuis quelques années dans plusieurs bibliothèques québécoises. L’organisme québécois Espace temps, fondé par un bibliothécaire de formation, est d’ailleurs voué à la conception et la transformation d’espaces mieux adaptés aux pratiques de collaboration et d’échanges de connaissances des utilisateurs des bibliothèques d’aujourd’hui. Pour en savoir plus, suivez ce lien.
Nous espérons que cette lettre pourra vous éclairer sur certaines des nombreuses avenues empruntées par les bibliothécaires d’aujourd’hui qui ont su s’adapter aux technologies afin d’offrir de nouveaux services et de se positionner pour répondre adéquatement aux besoins des usagers qui sont en constante évolution. Nous vous recommandons également de ne pas hésiter à recourir aux services de bibliothécaires spécialistes en recherche et diffusion d’information afin de vous offrir du soutien pour documenter vos futurs articles.
Je vous prie d’agréer, Madame Blais, mes salutations distinguées.
Isabelle Pilon, bibliothécaire professionnelle
Présidente du conseil d’administration
Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec
Avec l’appui de
Christian Fortin
Président du conseil d’administration
Association professionnelle des techniciennes et techniciens en documentation du Québec (APTDQ)