Volume 37, numéro 3
[ Mot de présentation ]
par Jean-François Barbe
barbejf@videotron.ca
Rédacteur en chef
Attention, zone sinistrée
Dans certaines bibliothèques scolaires, de La Tuque à la métropole, impossible d’élaguer, sinon, il n’y a plus de livres. Les manuels de géographie nous parlent alors d’Union Soviétique et des efforts incessants de Léonid Brejnev pour accroître la production des kolkhozes. Ailleurs, les livres peuvent se retrouver sur une étagère, dans un coin de la cafétéria, à côté des machines distributrices de petits gâteaux Vachon.
Trop souvent, hélas, nos bibliothèques scolaires n’ont de « bibliothèques » que le nom.
Parfois, d’heureuses interventions de citoyens au grand coeur arrivent à renverser la situation, comme dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, dont l’école secondaire Chomedey-De Maisonneuve a bénéficié d’un don de 100 000 $ du club Rotary afin d’entamer la construction d’une bibliothèque … attendue depuis dix ans. Dix ans d’attente … à lire des vieilleries qui ne donnent aucun goût de la lecture, contribuant encore, encore et encore à entretenir la maudite machine à reproduire l’injustice.
Lors d’un passage dans l’un des beaux villages du Québec, Saint-Michel-de-Bellechasse, situé en bordure du fleuve Saint-Laurent, à une trentaine de minutes de Québec, j’ai appris que la bien nommée École du Phare n’avait pas, elle aussi, de vraie bibliothèque. Mais les élèves ont fait de belles cartes postales, imprimées et vendues par les boutiques du village, afin de financer l’achat de romans, de dictionnaires, d’encyclopédies… Bravo aux citoyens qui se sont donné la main. Bravo aux « coordonnateurs » malgré eux de ce « projet », Nancy Chamberland et Sylvain Laurin, propriétaires de l’atelier-boutique (à visiter) Ma grand’Noire. Bravo aux enfants qui ont fait de si belles cartes et un bravo tout particulier à la petite Jenna Santerre, 3-4e année, qui a créé la jolie carte reproduite au bas de cette page (sans les couleurs, malheureusement pour vous).
Mais en tant qu’adulte, j’en ai le coeur serré. Car chaque enfant du Québec doit avoir les mêmes chances dans la vie. Et cela passe par des bibliothèques bien garnies, partout, financées par nos impôts à nous tous. Gardons les cartes postales, aussi belles soient-elles, pour autre chose.
Alors, pensons-y. Faisons un geste qui nous rapprochera du jour où tous les Antoine, Émile, Juliette et Héloïse de demain apprendront, dans de vrais manuels de géographie, qu’un pays appelé Union Soviétique a cessé d’exister en 1991.
Ce numéro d’Argus rend hommage à Érudit, une des grandes réussites du milieu bibliothéconomique québécois, et à ses pionniers. Allez … bonne lecture!